[Reportage] Super Viktor

Écrit par S.Foot, le 19 décembre 2024 à 07:00.

[Reportage] Super Viktor

Il a le nom d’un méchant dans Arsène Lupin et des faux-airs d’Ivan Drago, l’ennemi juré de Rocky. Avec son visage impassible et sa célébration iconique, le Suédois Viktor Gyökeres est le 9 que les cadors européens vont s’arracher à prix d’or cet hiver ou l’été prochain. Portrait d’un phénomène que personne n’avait vu venir. Par Arthur Jeanne, à Stockholm, et Marc Hervez

Une benne pour les emballages en papier, une deuxième pour le packaging plastique, une troisième pour les contenants en métal, un bac pour le verre transparent, un autre pour le verre coloré et enfin un dernier container pour les journaux et magazines. Sans compter la poubelle pour le compost et les ordures ménagères. Pour qui n’est pas du coin, assimiler le système de collecte des déchets en vigueur à Aspudden nécessite un diplôme d’ingénieur. Dans ce quartier résidentiel sans histoires du sud de Stockholm, on pratique le tri sélectif avec l’assiduité et le sérieux propres à la social-démocratie suédoise. Toutefois, si cet arrondissement dont plus un chat ne fréquente les rues après 19 heures un jeudi soir de novembre fait parler de lui aujourd’hui, ça n’est pas pour sa gestion modèle des déchets valorisables, mais bien parce qu’il est le berceau d’une autre machine à recycler qui a pris l’habitude, en cette année 2024, de transformer la moindre demi-occasion en but. L’explosion aussi soudaine qu’inattendue de Viktor Gyökeres, 26 ans déjà, est un mystère lui aussi réservé aux bac+5. Voici pour les chiffres : 58 buts en 54 matchs sur l’année civile –compteur arrêté le 20 novembre–, 32 en 24 rencontres depuis le début de la saison. C’est simple, le costaud de 1,89 mètres pour 86 kilos dégage une sensation de puissance absolue et d’état de grâce permanent. 

Le 5 novembre dernier, le Suédois signait même un triplé contre Manchester City en ligue des champions, répondant ainsi aux sceptiques prétendant qu’il est facile de briller contre Casa Pia ou l’Estonie. “C’est un bulldozer, une machine à marquer, s’incline le Danois Jon-Dahl Tomasson, son sélectionneur, qui facture lui-même près de 300 buts en carrière. Il crée des espaces et des occasions pour ses coéquipiers, parce que ses appels dans le dos des défenseurs sont parmi les meilleurs au monde. Je ne vois pas trop ce que je peux lui apprendre ou ce qui manque à sa panoplie.” D’où qu’il frappe, Gyökeres fait mouche, avant d’agrémenter ses buts d’une signature personnelle, les deux mains plaquées sur sa bouche. Une célébration rapidement devenue culte, dont la signification interroge et dont le dépositaire s’évertue à ne pas en dévoiler l’origine. Est-ce une référence à Hannibal Lecter, avec qui il partage la même voracité, comme le suggérait son ancien coéquipier de Coventry Josh Eccles ? Ou un hommage à l’intimidant Bane, l’un des nemesis masqués de Batman ? Gyökeres refuse de répondre, même si un post sur Instagram légendé “Nobody cared until I put the mask”, maxime prononcée par le super-vilain de The Dark Knight Rises, semble valider la seconde hypothèse. Quoi qu’il en soit, le geste, devenu le gimmick favori des fans du Sporting Portugal, est entré dans la pop culture locale, en même temps que la notoriété de l’attaquant dépassait les frontières de la Liga Sagres ou de la Suède. 

La Strawberry Arena de Solna n’étant pas la Bombonera, l’ambiance en cet avant-match de mi-novembre entre la Suède et la Slovaquie est assez morne. L’annonce par le speaker du nom du numéro 17 fait néanmoins sortir tout le monde de sa torpeur. Dans la patrie des Martin Dahlin, Henrik Larsson ou Zlatan Ibrahimovic, l’irruption d’un nouveau serial buteur était espérée de longue date. Portée par un trio offensif excitant

Sur desktop et mobile : 4,99 € par mois ou 39 € par an, sans engagement

S'abonner