Il est arrivé à la tête de la LFP presque par effraction, en pleine année de Covid-19, alors que le football français était au bord du gouffre, plombé par l’arrêt des championnats et le fiasco Mediapro. Quatre ans plus tard, et alors que son échec dans les négociations des droits TV plonge à nouveau les clubs de l’Hexagone dans la crise, Vincent Labrune est pourtant le grand favori à sa propre succession. Pourquoi ? Comment ? Enquête sur le plus grand joueur de poker du foot français. Par Ronan Boscher, Victor Le Grand, Léo Ruiz et Guillaume Vénétitay
Il n’y a jamais de round d’observation avec Vincent Labrune. “Pourquoi je vous répondrais alors que vous écrivez des conneries sur moi depuis deux ans ?” Le président de la Ligue de football professionnel (LFP) a décroché au bout d’une demi-sonnerie. Il monte d’emblée dans les tours, embraye avec un monologue de quelques minutes, avant de mettre So Foot dans un grand complot. “Avec (Daniel) Riolo, vous faites partie de ceux qui essaient de me faire tomber pour placer quelqu’un d’autre. Je ne me suis même pas plaint et je n’ai pas écrit à Franck (Annese, le directeur de la publication de SoFoot, ndlr).” C’est du Labrune. Grande gueule, offensif, à la limite de la psychose. Un ami dit qu’il est aussi “impatient et éruptif”.
Ce 4 juillet, l’homme se montre encore plus raide que d’habitude. Le lendemain matin, un conseil d’administration de la LFP doit statuer sur une offre de DAZN, la plateforme de streaming britannique, à hauteur de 375 millions d’euros par saison pour diffuser chaque journée huit matchs de ligue 1 jusqu’en 2029. Bien maigre par rapport au montant illusoire qu’il avait lui-même annoncé avant l’appel d’offres : un milliard d’euros par an, droits internationaux et domestiques cumulés. “Je bosse sur ce sujet depuis quatorze mois. On est à la veille d’un dossier important et ça fait 6 minutes 40 que je vous parle.” Le timing de la prise de contact était peut-être un peu taquin. Mais Vincent Labrune ne s’écoute même pas. Il continue de débiter, presque sans respirer, promet un appel de Marcelo Bielsa – “l’avoir dans votre journal, ça doit pas souvent arriver”–, conseille de joindre Didier Deschamps, avec qui il s’entendrait très bien “contrairement à toutes les conneries qui ont encore été écrites”. Avant de reprendre une bouffée paranoïaque. “Envoyez-moi vos noms par WhatsApp, je vais demander à mon service de presse de vérifier ce que vous avez fait sur moi.” À propos de cet article, il répète plusieurs fois ne pas l’avoir “demandé”.
Vincent Labrune feint d’ignorer qu’il est aujourd’hui l’homme qui concentre le plus de critiques et de fantasmes au sein du foot français. Sauveur, fossoyeur, brillant, manipulateur, loyal, fou, médiocre : tous ces adjectifs ont été utilisés par des témoins pour décrire l’Orléanais, constamment à la lisière de deux mondes incestueux –les médias et le ballon rond– qui l’ont toujours fasciné, passant de l’un à l’autre au gré de ses chutes et de ses rebonds. Labrune a ainsi frayé avec la crème des affaires et de la télé, présidé l’un des plus grands clubs français, pris par surprise la tête de la LFP. Il s’est créé un