Venu à la politique à la suite d’un drame familial, Bebeto, l’homme aux treize changements de club, est là encore passé d’une étiquette à l’autre au fil des ans. C’est sous les couleurs du Parti social-démocrate que le champion du monde 1994 se présente à la députation en ce mois d’octobre, alors qu’il avait déjà occupé un siège de parlementaire il y a une quinzaine d’années sous la bannière du Parti démocratique travailliste. Son engagement versatile lui aura semble-t-il coûté son amitié avec Romario, son légendaire binôme de l’attaque auriverde. À moins que les souvenirs du mondial américain outrepassent les clivages ? Par Anne-Dominique Correa, à Rio de Janeiro
Ses fines jambes arquées moulées dans un jean, José Roberto Gama de Oliveira s’avance d’un pas énergique sur le “calçadão” de Campo Grande, une longue rue commerçante dans un quartier industriel en périphérie de Rio de Janeiro. Suivi comme toujours par sa femme Denise, qui mesure une bonne tête de plus que lui, et d’une cohorte de jeunes qui brandissent des drapeaux bleus avec une photo grand sourire de l’intéressé, celui que le monde entier connaît mieux sous le sobriquet de Bebeto salue les vendeurs ambulants de popcorn et de bonbons à la banane et distribue les accolades chaleureuses. La plupart des passants qui le reconnaissent malgré ses cheveux blancs agitent spontanément les bras d’un côté à l’autre, comme s’ils berçaient un bébé invisible. Le signe qu’à Rio comme ailleurs, voilà ce qu’il reste de la carrière de l’attaquant de poche brésilien, retraité du football depuis 2002 et une dernière expérience sans intérêt en Arabie saoudite : une célébration. Celle d’un but comme Bebeto en a marqué tant, un appel de filou, un ballon qui traîne, un crochet pour effacer facilement le gardien et une finition dans le but vide. Sauf que celui-ci a été inscrit devant plusieurs centaines de millions de téléspectateurs, le 9 juillet 1994, au Cotton Bowl de Dallas, en quarts de finale de coupe du monde face aux Pays-Bas (3-2). Le buteur du Deportivo La Corogne dédiait son œuvre à Mattheus, son fils né deux jours plus tôt dans la cidade maravilhosa. D’abord seul, puis accompagné de ses compères d’attaque, Romario et Mazinho.
Trente ans plus tard, Bebeto reproduit volontiers le “geste du bébé” en distribuant ses tracts dans les rues de sa ville d’adoption, pendant que sa femme le filme avec ses fans pour alimenter son compte Instagram. À 60 ans, le cinquième meilleur buteur de l’histoire de la Seleção –39 buts en 76 sélections– s’est lancé dans la conquête d’un nouveau “Tetra” (quatrième coupe du monde) : le 16 août dernier, il a annoncé sa candidature, pour la quatrième fois, aux élections municipales du 6 octobre. Il briguera un siège de député pour l’État de Rio de Janeiro (au Brésil, les différents scrutins sont regroupés à la même date, ndlr), sous la bannière du Parti social-démocrate (PSD). Cette formation de centre-droit est également celle du maire sortant, Eduardo Paes, qui, favori dans les sondages, vise un troisième mandat et bénéficie du soutien de la gauche. Pour son slogan de campagne, l’ancien numéro 7 n’a pas eu besoin de se creuser la tête très longtemps : “Je veux bercer Rio !”, répète-t-il à longueur de déplacements.
Le duo recomposé
Après Romario le sénateur, le Brésil pourrait donc voir l’autre membre du duo légendaire de 1994 siéger à son tour sur les bancs de l’assemblée. Une reconversion plus inattendue pour celui qui, contrairement à son ancien binôme, a toujours semblé plus à l’aise dans le rôle de l’homme de l’ombre. “Rio de Janeiro m’a apporté tant de bonheur dans ma vie que je veux lui rendre toute l’affection que j’ai reçue ici”, justifie entre deux clichés