Début 2006, Guardiola va fêter ses 35 ans et ses jambes n’ont plus grand-chose à offrir au football. Le Catalan décide donc de se terminer au pays des tacos, aux Dorados de Sinaloa, une équipe basée en plein fief du plus puissant cartel de drogue du monde. Un choix surprenant qui s’explique par le nom du coach: Juan Manuel Lillo. Le mentor chargé de le préparer à la suite.
Allez savoir pourquoi, mais Culiacan traîne l’étonnant surnom de “capitale du bien-être”. Peut-être car une fois mis de côté les décomptes macabres quotidiens, les disparitions, les séquestrations, les pillages, les voitures brûlées et les autoroutes bloquées, il est possible de profiter de la proximité des plages du Pacifique et du soleil. Jusqu’à ce que la nuit tombe, que les rues se vident, que les commerces ferment leurs grilles et que les fourgons remplis de membres lourdement armés de la Guardia Nacional se mettent à patrouiller dans chaque recoin de la capitale mondiale du narcotrafic. “Tiens, il y a eu une fusillade juste ici ce matin, pointe Luis Angel, dont la vie consiste à éviter les balles à bord de la Nissan Micra poussiéreuse qui lui sert de taxi. Hier soir, on a tiré sur ma voiture pas loin du centre. J’ai dû me réfugier au ministère public, t’imagines? La semaine dernière, mon neveu s’est fait attraper par des mecs. Ils l’ont tabassé et laissé au bord de la route à moitié mort. Il a 17 ans, putain. C’est comme ça à Culiacan…” Depuis l’arrestation l’été dernier d’Ismael “El Mayo” Zambada, cofondateur du puissant cartel de Sinaloa, la ville du nord-ouest du Mexique vit plus que jamais sous la coupe du crime (dés) organisé. Selon un bilan officiel –contesté par plusieurs organisations–, plus de 200 homicides ont ainsi été recensés à Culiacan et ses environs depuis le 9 septembre dernier. Il y en avait eu 170 au cours du premier trimestre 2006, soit la période durant laquelle Pep Guardiola a stationné dans la ville. Un drôle d’endroit pour une dernière danse.
“Ce n’était pas une question d’argent”
Le Catalan atterrit en enfer le 3 janvier 2006. Il sort alors de six mois sans jouer après une pige lucrative au Qatar, et personne à l’époque ne comprend vraiment son choix de rejoindre les Dorados de Sinaloa, un modeste club de première division mexicaine créé en 2003 sur cette terre de baseball. Personne à part Juan Manuel Lillo, l’homme alors aux manettes de l’équipe sinaloense: “Pep est venu jouer pour moi, pas pour l’argent, explique aujourd’hui celui qui est désormais son adjoint à Manchester City. En débarquant au bout du monde, il était conscient qu’il ne deviendrait pas riche.” Inconnu du grand public, l’entraîneur basque est un théoricien réputé du jeu d’attaque. Un véritable mentor pour l’ancien capitaine du Barça. La première rencontre entre les deux maîtres à penser a lieu en 1996, à l’issue d’une rencontre entre le Real Oviedo de Lillo et le Barça de Bobby Robson. “À la fin du match, Pep a toqué à la porte du vestiaire et m’a dit: ‘J’aime tes équipes, j’ai entendu de grandes choses à ton sujet, est-ce qu’on peut être amis?’, remet le ‘Profesor’. Comment diable est-ce que je pouvais ne pas vouloir être ami avec un joueur que j’admirais autant que Guardiola?” Un coup de foudre réciproque qui finit donc dix ans plus tard sur cette lune de miel mexicaine, au pied de la Sierra Madre occidentale, à mille kilomètres de la frontière avec les États-Unis. “Je ne viens pas ici pour faire du tourisme ou aller à la plage, prévient alors Pep à son arrivée à l’aéroport international de Mexico. Je viens pour donner le meilleur de moi-même, comme je l’ai toujours fait.” Avec un plan bien précis en tête, donc: préparer sa reconversion. “Il avait encore des choses à donner sur le terrain, sinon on ne l’aurait pas pris,