[Table Ronde] “Le jeu est de plus en plus lent"

Que retenir tactiquement de cet Euro morose, dans lequel seule l’Espagne a été capable d’offrir du spectacle ? Réponses avec huit entraîneurs sur le point de tirer la sonnette d’alarme.

CASTING

Olivier Dall’Oglio : coach de Saint-Étienne.

Daniel Jeandupeux : ancien sélectionneur de la Suisse.

Carles Martinez Novell : coach de Toulouse.

Jorge Sampaoli : homme en colère et ancien sélectionneur de l’Argentine, passé par l’OM.

Stale Solbakken : sélectionneur de la Norvège.

Valérien Ismaël : ancien coach de Watford, de Besiktas et de Wolfsburg.

José Bordalas : entraîneur de Getafe.

Angel Cappa : ancien coach de River Plate, et mentor de Javier Pastore.

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Ralf Rangnick, le sélectionneur de l’Autriche, a dit qu’il avait peiné à rester éveillé devant certains matchs de l’Euro. Vous aussi ?

José Bordalas : J’entends beaucoup de monde dire que cet Euro a été chiant, mais je ne suis pas d’accord. Personnellement, j’ai vu beaucoup de choses intéressantes, notamment de la part des petites sélections. Celles-ci ont chèrement fait payer leur peau.

Stale Solbakken : C’est vrai que la première semaine a été très bonne, comparée avec ce que l’on voit habituellement lors des premiers matchs de grande compétition, mais après ces débuts, les favoris –exceptés l’Allemagne et l’Espagne– ont eu des difficultés à donner le tempo du match, à contrôler les choses de la manière qu’ils voulaient. Au fur et à mesure, les rencontres sont devenues plus calmes. C’est aussi dû à la règle des meilleurs troisièmes. Avec trois points, tu étais quasiment sûr de passer au tour suivant.

Carles Martinez Novell : Il est clair que cet Euro n’a pas été l’occasion de voir beaucoup de football offensif. Par le passé, le jeu des équipes nationales était plus ouvert... Là, la priorité a été donnée à l’ordre, au fait de ne pas laisser de liberté à l’adversaire, et à surveiller ses positions en phase offensive pour anticiper les transitions de l’adversaire.

Olivier Dall’Oglio : Très vite, on a senti certains joueurs émoussés, notamment ceux qui sont habitués à faire des différences. Les saisons sont longues et ça a des conséquences à tous les niveaux. C’est usant pour la tête, pour les organismes... Et ça s’est vu à l’image.

Jorge Sampaoli : Une forte pression populaire pèse sur les sélections. C’est un peu comme dans le cirque romain. Il faut gagner, peu importe comment. Résultat, le spectacle se détériore beaucoup. Je trouve que les joueurs ont peur. Or, quand on a la trouille, on ne peut pas prendre un match en mains. Il y a eu beaucoup de buts contre son camp dans cet Euro et il y en avait déjà eu pas mal lors du précédent. C’est dû au fait que les équipes étaient complètement regroupées derrière parce qu’elles avaient peur de perdre. Si ça continue comme ça, au prochain Euro les joueurs seront carrément à l’intérieur de leur but... La plupart des équipes étaient tellement loin du but adverse qu’elles devaient sortir en courant le plus vite possible, sans aucun temps pour penser et combiner. Tout ça m’inquiète... Aujourd’hui, je vois beaucoup de matchs, mais très peu de football.

Daniel Jeandupeux : Je me suis ennuyé assez souvent durant cet Euro. On est dans la période post-Guardiola où tout le monde défend à onze pour éviter d’être déséquilibré. Pratiquement toutes les équipes jouent avec des neuf qui reviennent dans leur camp pour défendre, et finalement, c’est sûrement la patience des joueurs qui entraîne l’impatience du public. Je n’aime plus vraiment ce football.
 

“Si ça continue comme ça, au prochain Euro les joueurs seront carrément regroupés à l’intérieur de leur but. Ça m’inquiète. Aujourd’hui, je vois beaucoup de matchs, mais très peu de football” - Jorge Sampaoli

Dans ce désert footballistique, il y aura quand même eu une oasis : l’Espagne.

Sampaoli : Les Espagnols, comme les Néerlandais, ont un héritage culturel qui leur permet de mettre plus facilement en place ce jeu combiné, de résoudre les problèmes posés par des blocs