"Sur le fond, j'avais raison 99 fois sur 100"

Écrit par S.Foot, le 10 septembre 2025 à 09:00. Mis à jour le 10 septembre 2025 à 17:53.

"Sur le fond, j'avais raison 99 fois sur 100"

Après vingt-six ans sur le continent, Frédéric Antonetti est rentré à l'été 2024 chez lui, au Sporting Club de Bastia. Là où tout avait commencé, comme gamin fidèle du kop, joueur modeste témoin direct du drame de Furiani, puis représentant d'une certaine école du coaching à la française. Que le Corse continue de défendre, à 64 ans, plus "apaisé" et plus loin des bancs de touche, entre une rando en montagne et le visionnage d'un match de Serie C.

Comment s'est passée cette intersaison ?

Pas simple. Le football français est en crise. Une crise qui découle de la grosse erreur d'avoir attribué en 2020 la diffusion de la ligue 1 à Mediapro plutôt qu'à Canal+. Pour un club comme le nôtre, le Sporting Club de Bastia, qui a certes une grande histoire et beaucoup de passion autour de lui, c'était déjà très compliqué avant ça. Alors sans droits TV, il faut bricoler.

Depuis votre retour à Bastia, vous occupez le poste de coordinateur sportif. Ça consiste en quoi exactement ?

Je ne sais même pas ce que c'est, "coordinateur sportif". Moi, je suis entraîneur à la base, donc mon rôle ici, c'est principalement l'évaluation des joueurs. Ceux qu'on a déjà comme ceux qu'on cherche à recruter. Si ma mission était de trouver des joueurs comme Barcola ou Doué, l'évaluation serait vite faite, mais ça nous coûterait cinq ans de budget. Je suis obligé de prendre en compte l'aspect financier. Pour vous dire, la totalité de notre masse salariale correspond à un joueur moyen de Nice. Faire venir un joueur de deuxième division française, c'est déjà trop cher. Alors il faut trouver des joueurs qui ont le potentiel pour jouer en première division, jeunes pour qu'ils créent un actiL libres parce qu'on ne peut pas payer d'indemnité de transfert, avec un salaire entre 3000 et 10000 euros, et qu'ils soient performants tout de suite. C'est un beau challenge.

Comment procédez-vous ?

Ce sont des heures et des heures à regarder des matchs de National, de National 2, de National 3, de 8 heures à minuit devant un écran, mais ça me plaît. Découvrir un joueur, pour moi, c'est plus valorisant que d'en acheter un à 100 millions d'euros. Ça, j'ai l'impression que c'est donné à tout le monde. Certes, il faut faire en sorte que tout soit complémentaire, mais le PSG, par exemple, peut se permettre d'acheter un joueur à 100 millions d'euros et se planter. Kolo Muani, c'est passé comme une lettre à la poste. Nous, même en prenant des joueurs qui ont un salaire de 5000 euros par mois, on n'a pas le droit à l'erreur.

Tout ça, ce sont donc les répercussions de la crise que traverse le foot français ?

Peut-être que, de l'extérieur, ça ne se ressent pas directement, parce que le PSG a gagné la coupe d'Europe, mais ce titre cache un peu la misère. Paris donne une belle image, c'est une évidence, mais ne réussir que par l'argent, ça me gêne. Ce qui me plaît, c'est quand il y a un travail de fond. Moi, je préférais le football français d'avant. Avec l'arrêt Bosman, on a cassé l'idée qu'il était possible de former des joueurs et avoir des résultats en même temps. Ce que faisaient Nantes, Auxerre, voire Monaco à l'époque, ça n'existe plus. On en voit tous les jours, des jeunes qui partent à 18, voire 16 ans. Ils ont tout à fait le droit de le faire, mais je pense que quand un club vous forme, vous avez un devoir de retour, comme ça peut se passer dans l'administration.

C'est possible de miser sur la formation, ici à Bastia ?

Pas vraiment, parce qu'en Corse, on a un bassin de population très faible. On est environ 350 000. Et je ne suis pas favorable à faire venir du continent des joueurs de 13 ou 14 ans. Ça implique trop de dépaysement. Alors oui, il y aura toujours un joueur corse par génération qui peut réussir. Celui-là, il faut s'en occuper, mais pour ça, on n'a pas besoin d'avoir un centre de formation aussi développé que ceux qu'on voit sur le continent. Nous, on fait plutôt de la post-formation.

C'est-à-dire ?

Une carrière n'est pas toujours aussi linéaire que celle de Kylian Mbappé. Dans chaque équipe pro, il y a toujours entre 30 et 40 % des joueurs qui ont eu des parcours un peu chaotiques. Ils ont pu être rejetés des centres de formation, connaître une maturation tardive, une grosse blessure, ont eu besoin de rebondir dans les divisions inférieures... Ce qui ne les a pas empêchés de faire carrière ensuite. Rien qu'en équipe de France, Ribéry, Giroud, Kanté ou Kolo Muani ont tous joué en National. Et s'ils sont passés par Tours ou Boulogne-sur-Mer, ils auraient pu aussi passer par Bastia. Donc on s'est mis sur ce créneau-là. Plus qu'une revanche, l'idée est de donner une seconde chance à des joueurs qui en veulent.

Pour résumer : quand on n'a pas de pétrole, on a la formation ou la post-formation.

Avec de l'argent, on peut tout faire, et il faut garder plusieurs voies pour constituer un effectif. Le Real Madrid fait tout: des recrutements à 100 millions d'euros, mais aussi de la formation et de la post-formation. Vinicius, Rodrygo, Valverde et Mastantuono sont des joueurs qu'ils sont allés chercher à 18 ans.

Vous prospectez aussi à l'étranger ?

Du moins dans les pays où c'est encore abordable pour nous. On a déjà un Colombien avec nous (Juan José Guevara, ndlr) et on a le projet d'en faire venir un deuxième. Ça correspond un peu à notre ADN, avec des joueurs qui ont la niaque. Je préfère connaître en profondeur un ou deux pays, regarder plein de matchs pour trouver les meilleurs joueurs, plutôt qu'avoir une connaissance superficielle de tous les pays. C'est moins efficace comme ça. Il y a aussi la Serie C italienne qui peut nous convenir, là où on est allés chercher cet été Nicolas Parravicini, un très grand avant-centre. Quand il a passé la porte de mon bureau, il a dû baisser la tête.

Pendant vos périodes de chômage, vous enchaîniez jusqu'à quatre matchs par semaine en vadrouillant à gauche, à droite. C'est encore possible de mettre à ce point les mains dans le cambouis ?

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